A ceux qui n’en ont pas encore fait l’acquisition, je recommande la lecture du petit fascicule consacré au pardon de la madone des motards, fondé par l’abbé Prévoteau en 1978 à la demande de ses amis motards. Trente-cinq ans plus tard, cette manifestation s’est inscrite durablement dans le paysage religieux et festif de notre diocèse et dans les grands rendez-vous de motards au plan européen.
L’esprit d’un pardon est parfois déconcertant pour le chrétien d’aujourd’hui. A part le grand pardon de Sainte Anne d’Auray, notre culture de chrétien gallo connaît mieux les démarches de pèlerinage, de retraite et moins de pardon. Ceux-ci sont d’avantages populaires en pays bretonnant, Cornouailles, Léon, Pays Bigouden, Montagne Noire.
Les pardons sont un curieux mélange de festivités religieuses et profanes sur fond d’une Foi ancrée dans la tradition et la coutume. On y prie beaucoup, on y invoque le secours du ciel pour des êtres chers ou des causes difficiles mais on y fait aussi la fête, on y chante, on y boit, on y danse !
On y invitait au début du XXeme siècle les « termagies », nom donné en Cornouailles aux bohémiens forains, tout en redoutant qu’ils ne pillent les fermes les derniers lampions de la fête éteints.
Notre fête de la Madone des motards ressemble à s’y méprendre à ces pardons. Drainant le monde motocycliste de toute l’Europe, il connaît une fréquentation importante que les années ne semblent pas éroder. Bien sûr, l’aspect festif et « rock’n roll » est important. Ces jeunes gens hirsutes, bruyants, maculés de cambouis sont assez loin de l’image du pèlerin habituel. Comme les « termagies », ils n’ont pas la réputation de petits anges ! Mais même les plus tatoués des motards ne sont pas insensibles à la figure maternelle de Marie, qui, couronnée d’étoile comme le dit la chanson et le montre depuis un an la statue, veille avec bonté sur « ses » motards. De nombreux chrétiens du doyenné se sont d’ailleurs fortement impliqués dans la préparation, l’animation et la sécurité de la manifestation. Ces « bénévoles » sont parfois à mille lieux du monde motard mais ont à cœur de participer à ce grand rendez-vous annuel qui, au milieu de l’été, anime fortement les journées et les nuits du calme pays de Guer.
Et le bénéfice spirituel de ce pardon ne doit pas non plus être oublié. Porcaro est maintenant un lieu de pèlerinage pour l’ensemble de la communauté des motards qui connaît et respecte l’endroit. Tout au long de l’année, des petites équipes, des familles en deuil, mais également des groupes constitués comme les célèbres « chevaliers de la route »font le déplacement jusqu’au petit oratoire, récemment agrandi grâce à la générosité des fidèles, viennent s’y recueillir et souvent prier.
Cette année, le ciel particulièrement clément et les délais confortables de préparation- le 15 août tombant un jeudi- ont donné une grande sérénité à la préparation du pardon, qui faisait dire au père Audrain la veille de l’événement « c’est trop calme, on a du oublier quelquechose ! » Et non, pourtant, rien n’avait été oublié. Le père René Luc est venu cette année apporter son témoignage d’un parcours atypique qui l’a mené au sacerdoce après des épreuves particulièrement difficiles qui auraient pu au contraire l’éloigner de la Foi. Après avoir présidé la prière aux motards défunts, il a exposé devant un auditoire attentif le thème de son livre : la grâce de Dieu peut vous atteindre par des chemins parfois bien surprenants ! A la messe des bénévoles le 13 au soir, puis le 15 août lors de la messe solennelle, c’est le père Koch, aumônier militaire qui a fortement marqué les cœurs et les esprits par son verbe puissant, ses images saisissantes et son humour bon enfant. Homélie applaudie par les milliers de fidèles présents autour de l’autel podium, ce qui n’est pas commun.
La bénédiction des quelques 20 000 motos s’est déroulée dans l’ambiance festive à laquelle les habitués sont familiers mais qui surprend parfois les nouveaux venus : chaque prêtre ayant un mot amical pour l’équipage de l’engin, il ne s’agit pas d’une bénédiction « bâclée » mais d’un réel échange avec le motard afin que s’imprime en lui la devise « Souviens-Toi, Sois Prudent » à laquelle les amis de la madone sont attachés.
Enfin, bien sûr, la balade de l’après-midi a permis à un impressionnant convoi de parcourir les différentes communes de la région, en explorant cette année la bordure Ouest du doyenné et les magnifiques villages du Nord de Josselin. Peu habitués à un tel déploiement, les habitants de ces paisibles localités étaient visiblement heureux de saluer les motards, tapant dans les mains des pilotes et saluant chaleureusement les groupes à leur passage. Quelques incidents mineurs à déplorer, chacun ayant pris conscience à la suite du malheureux accident de l’an dernier à Guer qu’un rien pouvait ternir une belle fête.
Voilà, la belle aventure de ce grand pardon va se renouveler l’an prochain, ses étranges pèlerins reviendront et si vous n’y êtes pas encore allé, n’hésitez pas à venir voir ce plus jeune et plus original des grands pardons bretons !(Ronan)