Le père François, moine bénédictin à l'Abbaye de Ligugé, docteur en théologie, écrivain, maître de choeur, artisan-émailleur, il a réalisé l'exposition "un siècle d'or de la moto" largement couverte par la presse moto, avec des oeuvres sur émaux qu'il a lui même réalisés, accompagnés de beaux textes de la littérature, de la Bible à Bernanos... Il sera à Porcaro l'été prochain. Nous vous livrons un premier extrait d'un article paru récemment dans la revue ETUDES :
« Il y a, je le reconnais sans contrition aucune, quelque chose de baroque et de dionysiaque dans l’entité-moto et la passion qu’elle suscite : ce quelque chose de déraisonnable dont l’absence ferait de nous des êtres de raison, ce je ne sais quoi d’exubérant et de débridé qui doit nécessairement entrer dans notre plus foncière fabrique. (…). Je reviens du Festival Café Racer qui s’est tenu à l’autodrome de Linas-Montlhéry, prestigieux sanctuaire mondial de la vitesse qui fut érigé en 1925 et qui, après une décennie environ de fermeture, s’ouvre à de nouvelles démonstrations. J’y fus, non pour courir ni concourir sur mon propre pégase, on s’en doute, mais pour exposer mes œuvres moto-artistiques dans un stand, en compagnie d’autres artisans fort sympathiques (…. Je me suis laissé galvaniser comme un conscrit par le fond sonore de quelques 200 machines trépignant sur le béton de la piste, cependant que mes lettres classiques, toujours en sous main, portaient à ma mémoire l’évocation des jeux en l’honneur du Troyen Anchise, au 5ème chant de l’Enéide de Virgile, avec leurs régates, leurs courses, leurs compétitions équestres : « Tous, d’un même bond, se sont élancés de leur ligne de départ, et la clameur frappe le ciel… » (Virgile).
Encore que la matière des épreuves et les moyens de transport aient singulièrement évolué depuis ces temps héroïques, le transport de joie, lui, demeure foncièrement le même et l’homme qui joue se révèle dans sa pérennité. Reste que mon oreille ne fut pas seule à jouir de la félicité en ce paradis d’un genre parti culier : à la faveur des rares instants durant lesquels il m’a été loisible de déserter ma propre boutique, j’ai pu contempler des « prépas » d’une insolente beauté. Café racer, ce n’est pas une marque : c’est un style de motos très économes en carénage, très personnalisées, plutôt rétro (Fifties ; Sixties, Seventies, avec prépondérance britannique), dotées d’un réservoir en aluminium poli et d’échappements libres autrement dit de motos qui sacrifient le confort aux exigences de la vitesse, de la maniabilité et d’un look nerveux, superbe, athlétique. Des oeuvres d’art. Quelque chose qui s’apparente aux vieux gréements dans le monde des bateaux. « Crains qu’un jour un train ne t’émeuve plus » écrivait jadis Apollinaire… Eh bien, voyez-vous, une Triumph Bonneville, une Norton Manx, une Yamaha 850 XS, une Honda CB 750, ça a de la gueule, ça de la tripe, ça de l’âme. Café Racer recouvre aussi, naturellement, un style de motards : quelque chose de fier, d’inconditionnel, d’atypique, avec une finesse d’esthète. Bref, Café racer, c’est dans l’univers de la moto, l’incarnation et la mise en œuvre concrète de cette qualité inestimable qui s’appelle le « style ». (à suivre)