Aujourd'hui 3 février nous pensons à notre ami Gilles dont les funérailles ont été célébrées à Porcaro il y a deux ans. Grand ami et serviteur de la Madone. Il manque. Nous lui dédions la suite de l'article du père François dans les Etudes:
Je rentre donc de ma première grande concentration moto comme on rentre d’un grand pèlerinage, confirmé en grâce et nimbé d’une indicible nostalgie (…). La ferveur que ces journées ont éveillée en moi m’inspire une immense sympathie pour cette humanité cuirassée de pied en cap avec laquelle j’ai noué tant de liens. Humanité unanime (le fameux unanimisme des Copains de Jules Romains) dans la même admiration bon enfant, dans le même corps à corps avec des haquenées généreuses en formes et hautes en couleurs, dans le même cœur à cœur entre fidèles émus de faire connaissance. N’y a-t-il pas dans tout unanimisme de bon aloi la première mesure d’un hymne à la joie et la première assise du Royaume ? Car si la moto est aujourd’hui le catalyseur d’une affirmation puissante de l’individu (autonomie- « motonomie » !), elle est aussi, au-delà des chapelles qu’érige l’attachement inconditionné à telle ou telle marque, le nœud d’une sodalité irréductible, résistante, chaleureuse, virile, non sans que les femmes y prennent d’ailleurs largement leur part. S’il n’est pas nécessairement un rebelle, le motard se caractérise génétiquement par une certaine contenance de colère fondamentale (FFMC !!!) (…). Comme me le confiait récemment l’un de mes amis motards, « je me demande si aujourd’hui la communauté-moto ne fait pas partie des dernières où l’on cultive encore au quotidien et de façon très naturelle quelques valeurs de partage et d’amitié… La société du virtuel et de l’artificiel en a besoin plus que jamais. » Après bien d’autres expériences de moindre envergure, la grand messe de Montléry m’a confirmé dans ma propension à identifier le monde motard comme un « Ordre » au sens quasi religieux du terme, Ordre que nous appréhendons au quotidien comme épars sur les routes, mais dont la cohésion, l’indépendance et la souveraineté n’attendent que la première occasion festive ou polémique pour se manifester. En vertu, sans doute, de cette gémellité historique qui a accolé jadis les deux Ordres dans un même paysage social et métaphysique, le moine que je suis s’est senti de plain pied avec ce qu’il faut bien appeler une chevalerie : épiphanie moderne de cette chevalerie polymorphe, modulable au fil des siècles, et dont l’humanité aura toujours besoin pour se donner tout à la fois de l’air, du champ, de l’exercice et de la hauteur. Dans le grand embouteillage, dans le grand engorgement contemporain, celui des idées et des comportements comme celui des véhicules, le motard mérite notre admiration, notre respect, notre affection, parce qu’il est l’homo agilis, l’homme agile, et que son agilité est un appel. (à suivre)